Le burn-out : maladie professionnelle ou pas ?

Aujourd’hui, « un tiers des salariés sont en très grande souffrance au travail », rappelle Marie Pezé, docteure en psychologie, psychanalyste et fondatrice de la première consultation « Souffrance et travail » en France.

Ces derniers mois le burn-out a été au cœur d’une actualité très chargée questionnant sur sa reconnaissance en tant que maladie professionnelle : retour sur les derniers évènements :

Le burn out, c’est quoi ? 

Les premiers travaux sur le burn-out, datent des années 1950. Certes, comme pour le stress, il existe plusieurs définitions et indicateurs différents, parfois mêmes concurrents.

Selon la Haute Autorité de Santé (HAS) : le syndrome d’épuisement professionnel, équivalent en français du terme anglais burn out, se traduit par un « épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel. »

Burn-out et maladie professionnelle : où en est-on ?

Alors que selon une enquête un salarié sur trois aurait fait un burn-out au cours de sa carrière (issue de l’enquête nationale de la CFDT auprès de 200.000 personnes), ce dernier n’est toujours pas reconnu comme une maladie professionnelle.
Le 7 mai dernier, sur France Inter la ministre du Travail, Muriel Pénicaud interrogée sur les suicides chez France Télécom et le syndrome d’épuisement professionnel (« burn-out ») affirmait qu’il ne s’agissait pas d’une « maladie professionnelle » : « ces sujets-là sont des sujets internationaux. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a très fermement dit, après étude, que ce n’était pas une maladie professionnelle. Une maladie professionnelle, ça a des incidences très vite. Il y a des sujets de « burn-out ». Mais ce n’est pas une maladie professionnelle au sens strict. Il y a un cumul avec la vie personnelle et quand on arrive au désespoir, il n’y a plus rien pour vous raccrocher. La définition n’est pas médicalement prouvée. De toute façon on est obligé de suivre l’OMS » .

L’OMS de son côté annonce le 25 mai 2019 la reconnaissance en maladie professionnelle et effectue un rétropédalage 2 jours plus tard !

18 jours seulement après la prise de parole de la Ministre du Travail, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) annonçait que Le « burn-out » ou « épuisement professionnel » avait fait son entrée dans sa nouvelle classification internationale des maladies, qui sert de base pour établir les tendances et les statistiques sanitaires, (la CIM-11), provoquant de nombreux commentaires … Seulement le porte-parole de l’OMS apportait une correction quelques jours plus tard, précisant que le burn-out était en fait déjà dans la classification précédente sous le chapitre « Facteurs influençant l’état de santé » et précisait que seule la définition du burn-out « a été modifiée à la lumière des recherches actuelles ».

Une nouvelle définition de l’OMS, mais toujours pas de reconnaissance … Peut-on y voir une avancée ?

L’OMS n’a pas reconnu le burn-out comme maladie professionnelle mais elle le considère désormais comme un « phénomène lié au travail« .

A y regarder de plus près, les critères permettant de poser le diagnostic correspondent aux dimensions déclinées par la psychologue américaine Christina Maslach, dans son célèbre « Maslach Burnout Inventory » (MBI) :

  • l’épuisement, qui serait d’après Maslach à la fois émotionnel, psychique et physique,
  • la dépersonnalisation (ou cynisme) impliquant un retrait et une indifférence vis-à-vis du travail,
  • et enfin la perte d’efficacité et, selon l’approche de Maslach, du sentiment d’accomplissement personnel.

Alors le burn-out peut-il être reconnu comme une maladie professionnelle ?

Une maladie peut être reconnue comme étant d’origine professionnelle lorsqu’elle est inscrite dans un tableau ou si elle fait l’objet d’une procédure de reconnaissance (c. séc. soc. art. L. 461-1).

A l‘heure actuelle, il n’existe pas de tableau de maladie professionnelle relatif aux affections psychiques. Une affection psychique peut être reconnue au titre d’une maladie professionnelle et le nombre de cas reconnus a été multiplié par 7 en 5 ans. Cependant cela reste un véritable parcours du combattant et très peu de cas ont été reconnus (environ 700).  Une démarche de reconnaissance qui se fait toujours au cas par cas.

La prise en charge des affections psychiques relève donc du système complémentaire des affections hors tableaux sous réserve d’un niveau de gravité suffisant (responsable du décès ou d’une incapacité prévisible d’au moins 25 %). Le dossier est alors soumis à un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) qui se prononce au cas par cas sur l’existence d’un lien « direct et essentiel » entre le trouble et l’activité professionnelle, ce qui ne signifie pas pour autant que ce lien est exclusif.[1]

Bref un véritable parcours du combattant !

Remarque et questionnement :

Les seuls enjeux financiers ne seraient-ils pas l’obstacle majeur qui s’oppose à cette reconnaissance ?

Que sont devenues les propositions de réformes exposées dans le rapport fait au gouvernement par la Commission des affaires sociales le 15 février 2017 suite aux conclusions de Gérard SEBAOUN, rapporteur de la mission d’information relative au syndrome d’épuisement professionnel , rapport intitulé « L’épuisement professionnel (ou burn out),

« Une réalité en mal de reconnaissance » (abaissement du taux d’incapacité de 25 % à 10%), possibilité pour le médecin du travail de se prononcer sur le lien travail santé, prise en charge du coût par les cotisations AT MP versées par les employeurs, etc…..

[1] …(https://assurance-maladie.ameli.fr/sites/default/files/enjeux-actions_affections-psychiques-2018_assurance-maladie.pdf)Actualités Physiofirm #rps #qualitedevieautravail #risquespsychosociaux #physiofirm #expertise #stressautravail burnout

Julie BORRAS

A propos de Julie BORRAS

Cofondatrice – Directrice associée, Groupe PRAELIEUM – Cabinet AP-CSE

Le groupe PRAELIUM profondément tourné vers l’humain, accompagne l’ensemble des acteurs présents dans les entreprises sur des réflexions touchant le champ de la santé au travail, l’expression collective des salariés et la responsabilité sociétale et environnementale en construisant des actions sur mesure répondant aux besoins spécifiques exprimés par ses partenaires. Nous souhaitons être un groupe partenaire privilégié de nos clients sur le long terme et un acteur qui contribue à une croissance sociale et économique, responsable et durable. Nous souhaitons avoir un impact positif sur nos parties prenantes (clients, collaborateurs, partenaires) et sur la société dans son ensemble. Grâce à notre modèle, nos équipes engagées offrent à nos clients un service et des solutions de haute qualité. Nous proposons à nos collaborateurs un environnement de travail motivant et inspirant. Nous voulons faire partie des acteurs les plus dignes de confiance de notre secteur en intégrant encore davantage nos valeurs et notre éthique dans nos comportements quotidiens.

Comment s’adapter à l’affaiblissement probable du dialogue social de proximité ?

Le passage obligatoire à une instance unique (CSE) au 1er janvier 2020 fait disparaître les acteurs à qui il incombait le maintien d’un dialogue social de proximité. Il s’agit des délégués du personnel (DP) et des membres désignés pour siéger au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

Ce changement a souvent été présenté comme une opportunité de gains de performance pour les entreprises (moins d’élus, moins d’instances, moins de temps passé en dialogue social), mais peut-elle être aussi porteuse de risques ? Quels risques spécifiques cette mise de l’instance à distance du terrain peut-elle aggraver ou potentialiser pour les entreprises et le personnel ?

  • Pour la direction générale, elle peut renforcer des situations où des informations importantes (concernant la maîtrise des risques opérationnels par exemple) qui sont disponibles au niveau du terrain, mais ne remontent pas et ne peuvent donc pas être prises en compte dans la conception des décisions stratégiques. « De nombreux mécanismes concourent au silence organisationnel» constatait François Daniellou en 2017.
  • Dans la ligne hiérarchique intermédiaire, cet éloignement des instances peut accroître la place des réflexions quantitatives des spécialistes en gestion, mais qui ne connaissent pas tous les détails de la fabrication des biens et des services produits dans l’entreprise qu’ils gèrent. « L’essentiel de ce que nous appelons le management consiste à rendre difficile le travail des gens» avertissait déjà Peter Drucker au cours des années 1980.
  • Les dirigeants de proximité peuvent être confrontés à des problèmes plus ou moins bien définis, perceptibles et déclarés dans leurs équipes. L’affaiblissement du dialogue social au voisinage de leur périmètre peut laisser perdurer ce type de situations et renforcer les tensions entre les rôles que l’entreprise attend de cette catégorie d’encadrants : tantôt faire appliquer des décisions de l’entreprise qui leur paraissent coupées des réalités quotidiennes, tantôt faire remonter les enjeux à anticiper et répondre à des besoins de soutien de l’équipe qui leur semblent de plus en plus lourds.
  • Pour le personnel, ce que le travail demande pour faire ce qu’il y a à faire peut cesser d’être visible, d’autant plus rapidement que ceux qui le dirige ont intérêt à ne pas être tenus pour responsables de ses conséquences indésirables (même s’ils restent bien sûr intéressés aux résultats de ce travail). C’est déjà par ce biais que diverses idées directrices des activités collectives ont pu s’imposer par le passé et « ont déconcerté le sens commun de l’humanité» diagnostiquait Adam Smith en 1776.
  • Pour la représentation du personnel mise à distance de ceux dont elle doit garantir l’expression collective, le dialogue social peut rapidement devenir abstrait et formel, alors qu’il s’agissait justement d’essayer avec le CSE d’inventer une nouvelle manière de faire sens en commun. Car la démocratie en entreprise n’est pas seulement un mode de partage du pouvoir. Elle est aussi, pour reprendre l’expression de Tocqueville, une « forme de société » qui – au-delà des dispositions supplétives du code du travail – implique une certaine manière de vivre ensemble. Assistera-t-on à une aggravation de la crise de la représentation entendue à la fois comme déficit de légitimité des représentants et d’impuissance du personnel à s’identifier à ceux-ci ?

Retrouver de la proximité est un véritable enjeu et peut passer par deux catégories d’actions pour les nouveaux élus.

1/ Travailler sur les sentiments de proximité avec le personnel.

De même qu’il est possible de se sentir éloigné de quelqu’un qui est pourtant dans le bureau d’à côté, il arrive que l’on se sente en confiance avec quelqu’un d’éloigné. Le travail sur les sentiments de proximité passe évidemment par de l’empathie et de l’écoute. Attention, toutefois aux effets de la fatigue compassionnelle bien connus dans les métiers du secteur médico-social ou d’assistante sociale, d’autant plus s’il s’agit d’écouter des personnes qui sont en souffrance.

 

Conseil : si vous savez lire les ressentis sans les juger, en aidant votre interlocuteur à exprimer ce qu’il éprouve, vous pourrez vous protéger en partie de son mal-être, tout en l’aidant à prendre la distance dont il a besoin. Si vous avez besoin d’aide sur ces dimensions psycho-sociales, le recours aux services d’un expert en santé travail est pertinent, soit dans le cadre d’une formation Santé Sécurité Conditions de Travail (SSCT), soit par tout autre moyen tel que l’expertise pour risque grave.

 

2/ Optimiser l’utilisation des moyens de l’instance.

Cela implique d’acquérir de nouveaux réflexes, de nouvelles techniques : définir une stratégie, négocier des moyens adaptés (tels que les représentants de proximité ou encore le cadre de recours aux expertises), etc. Cela passe nécessairement par de la division et de la coordination du travail en interne entre élus du CSE (suppléants y compris) et en externe (recours aux acteurs externes de la chaîne de prévention : inspection du travail, expert santé travail, CARSAT, médecine du travail). Attention en effet à ne pas tout faire reposer sur quelques membres ou un seul. L’hypercentralisation peut exposer certains élus aux effets délétères de l’intensification du travail (les postes de secrétaire et de trésorier du CSE sont particulièrement exposés). Inversement la délégation implique de formaliser des « pouvoirs », d’encadrer et réguler les pratiques de délégation.

Conseil : former une véritable « équipe CSE », réfléchir à une stratégie collective et entamer un véritable travail d’adaptation des moyens de l’instance aux enjeux de votre entreprise.

 

Charles BOURDELLON

Expert CSE – Sociologue, Cabinet physiofirm

c.bourdellon@praelium-groupe.com